Notre arrivée au Chabrier et dans le Périgord
Paris, novembre 1989 : « Toi qui voulais être viticulteur, ça nous irait bien ! ». Eléna me regarde d’un air satisfait et amusé, elle me passe un hebdomadaire plié en deux et ouvert à l’avant-dernière page, vous savez celle des annonces immobilières en couleurs. Je regarde l’annonce mentionnant l’objet immobilier qui « nous irait bien » et je découvre le premier des douze vignobles que nous allions visiter en un an et demi. Je termine une journée de travail dans l’engineering ferroviaire, activité par laquelle je dois m’efforcer de concevoir et de vendre des usines clés en main un peu partout dans le monde et subitement je me trouve impliqué dans un projet dans lequel je serais l’acheteur. Un acheteur agricole. Vu depuis le 17ème arrondissement de Paris où nous habitons, dans le quartier des Batignolles, avec nos quatre enfants, les champs de vigne de l’Aquitaine paraissent bien lointains. Je regarde Eléna, assez fière d’elle-même. Elle ne paraît pas folle et son idée est à étudier. Je ne vous l’ai pas dit, mais Eléna le sait, mon arrière-grand-père, producteur de cognac et négociant en vins, avait acquis en 1906 un vignoble à Saint-Émilion devenu Grand Cru Classé à la création du classement en 1955. Cette propriété était devenue le rendez-vous familial où j’ai assisté à mes premières vendanges. Depuis je projetais de devenir vigneron. Pour nos recherches viticoles nous aurions du prendre un abonnement sur les lignes du TGV Atlantique car nous avons visité à peu près toutes les appellations entre Bordeaux et Bergerac. Et c'est ainsi que trois jours après la grande gelée noire d'avril 1991 nous avons découvert le Château Le Chabrier avec ses vignes renvoyées en plein hiver en quelques heures ! Le site était magnifique même sous la pluie et le froid et l'affaire fût faite, le temps de démissionner de mon entreprise, de mettre en vente notre appartement et non sans avoir à bousculer notre ancienne banque et l'assureur-emprunteur qui dormaient sur leurs dossiers. Voilà comment une petite réflexion d'Eléna nous a conduit avec nos quatre enfants en Périgord !